Vivre le Ramadan à Alexandrie, voici une expérience unique et riche ! Pour cette dernière chronique « vivre Ramadan à l’étranger », Claire, expatriée en Egypte, nous raconte son quotidien à Alexandrie. Située dans le delta du Nil et fondée par Alexandre le Grand en l’an 334 avant notre ère, Alexandrie a su traverser les siècles et les civilisations. Elle offre aujourd’hui un visage multiculturel, où chaque détail architectural atteste de son passé glorieux. Bien qu’elle ait perdu de son faste d’antan, Alexandrie demeure une ville d’une grande richesse, terre de contraste et de tolérance. Plongez dans le vacarme du centre-ville, admirez le soleil se coucher depuis la corniche et vivez tel un Alexandrin !
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Quelques jours avant le début du mois béni, les rues de la ville se parent de guirlandes confectionnées avec du papier brillant et des « fanous ». Les « fanous » (lanterne) sont le symbole du mois de ramadan en Egypte. Quelques semaines avant les festivités, elles encombrent les étals des souks et les rayons des supermarchés. Il y en a pour tous les goûts, de toutes les tailles et pour toutes les bourses ! Les unes offrent une animation musicale, les autres une « doua » (invocation). Pour les enfants, elles sont à l’effigie des héros de dessins animés… Mais les plus belles, sont les fanous traditionnelles ! Elles sont en métal avec des verres colorés ou en bois avec de délicates ouvertures en forme de lune et d’étoiles. Certaines se parent même du tissu traditionnel Égyptien, aux couleurs chatoyantes et aux motifs imposants. D’ailleurs, il se décline sous toutes les formes possibles : coussins, nappes, chaise, lampe… Ces accessoires serviront de décor dans les foyers durant cette période festive et joviale.
À partir de la prière de l’asr (milieu d’après-midi), les foyers et les commerces s’activent pour préparer la rupture du jeûne : la mouloukhiya (soupe traditionnelle égyptienne) est le plat de fête par excellence, à cela s’ajoute du riz avec du poulet frit, du baba ghanoush (des aubergines frites avec des poivrons piquants) et le dessert par excellence : la konafa réalisée avec des cheveux d’ange auxquels on ajoute selon les goûts de la crème, des fruits secs, ou tout autre accompagnement.
À cette période de l’année, on rencontre des vendeurs ambulants de jus de canne à sucre, de caroube ou encore d’hibiscus qui font leur apparition environ deux heures avant le coucher du soleil. Les habitants viennent y chercher une bouteille ou deux, en échange de quelques livres. Les bars à fouls (plat à base de fèves) et autres plats traditionnels pullulent dans les quartiers populaires. Le bal des charrettes et les appels des marchands rythment la fin d’après-midi.
Le partage est au centre de ce vacarme organisé : les vendeurs offrent leurs fruits aux nécessiteux, les visiteurs du marché achètent également un poisson grillé ou quelques bananes pour la voisine veuve et sur le chemin du retour, les passants et les commerçants lancent tous la même phrase « Viens rompre le jeûne avec moi ! ». L’entraide et bienveillance régissent, ce mois béni. Chacun essayant de faire sa part, pour que tout le monde puisse rompre le jeûne dignement.
Il y a 2 ans, alors que nous arrivions à l’Oasis de Siwa, nous avons fait la rencontre d’Ali. Nous nous sommes immédiatement liés d’amitié avec ce jeune homme aux origines berbères. Il nous a accompagné jusqu’à notre hôtel et nous a invité à rencontrer sa famille à l’occasion du repas du soir. Ali vit avec ses parents et ses frères et sœurs au domicile familial. Quatre de ses sœurs sont déjà mariées, mais sont souvent présentes avec leurs enfants pour rendre visite à leurs parents. Ali, quant à lui est le plus âgé des frères et du haut de ses 24 ans, il se mariera cet été.
Nous sommes accueillis par le patriarche, dans la pièce principale, sobrement parée de canapés au sol et d’une table basse permettant de manger à bonne hauteur. Le sol est totalement recouvert d’un tapis et les murs peints d’un vert turquoise ; de petites assiettes sont remplies de friandises pour l’Aïd-al-Fitr (fête célébrée à la fin du Ramadan) qui aura lieu le lendemain. Les femmes, restées dans la pièce à côté, me seront présenté avant le repas. Elles portent l’habit traditionnel des femmes berbères de l’oasis : un grand voile noir décoré de fines broderies discrètes leur couvrant le corps, la tête et le visage.
L’Adhan (appel à la prière) retenti dans l’oasis, le repas est servi. Sur la table, on retrouve les incontournables dattes de Siwa, une soupe de courgette ainsi que du riz accompagné de viande de bœuf. Le thé noir est servi par le patriarche. On lui apporte un petit réchaud à gaz et il le prépare devant nous, avec un mélange d’herbes traditionnelles. On échange longuement de la culture des palmiers, de la récolte du pollen et des dattes. Propriétaire de terres agricoles, il les léguera à ses fils.
En ville, les Alexandrins, aiment avant tout, rompre le jeûne sur la corniche en regardant le soleil se coucher sur la Méditerranée. Chaque famille prépare son petit panier avec des sandwichs, un thermos de thé noir et des fruits avant d’aller s’installer sur le rebord du muret les pieds dans le vide, face à la mer. D’autres préfèrent se retrouver sur les plages, et rompre le jeûne les pieds dans l’eau ou dans le sable ! À chaque bourse sa plage : de 11 à 400 livres égyptiennes (de 50 centimes à 20 euros).
C’est alors le début de la nuit qui commence, les rues s’animent de klaxons et de piétons, les restaurants et autres cafés se remplissent. Les hommes jouent aux dominos en fumant la chicha et les familles viennent se promènent à Mancheyya, le souk de la ville aux mille objets et mille odeurs.
La vie s’écoule paisiblement ici et la pandémie n’aura pas changé grand-chose aux habitudes des Alexandrins. Au début de ce mois de Ramadan, comme on pouvait l’imaginer avec les invitations et les sorties nocturnes, les contaminations ont explosé. On achèvera donc ce mois béni avec des restrictions sanitaires plus strictes : fermeture des bars, restaurants et commerces à partir de 21h, fermeture des plages et interdiction des grands rassemblements.
Pour en savoir plus sur les conditions d’entrée en Egypte.
Loin des sites archéologiques et de la frénésie du Caire, Alexandrie s’impose comme une étape incontournable pour qui souhaite découvrir un autre visage de ce pays à l’histoire millénaire. Contrairement au reste du pays, la côte méditerranéenne ne connaît pas de fortes chaleurs en été. Les températures demeurent agréables toute l’année et offrent donc une alternative intéressante pour les voyages en période estivale.